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Démystifier la création, Artiste VS Entrepreneur


Image du post par Alexa Fotos de Pixabay (voir crédits en fin de post)


Démystifier la création 2/2

Artiste entrepreneur vs Entrepreneur créatif ?


Il ne s’agit pas ici de prouver que l’un est ceci et l’autre cela. Mais plutôt de mettre en évidence ce qui rapproche les artistes des créateurs d’entreprises pour démystifier l’acte de création.

Je suis moi-même architecte plasticienne, dessinatrice. J’ai exercé dans plusieurs domaines « à mon compte », architecte, infirmière libérale, infopreneur. Aujourd’hui avec le statut artiste auteur, j’ai donc une entreprise avec ces contraintes administratives et fiscales.


L’entrepreneur est plus proche de l’artiste que ce que l’on croit.

Quoi ! Mais un artiste est un artiste, un artiste ne fait pas de business, un artiste n’est pas motivé par l’argent, un artiste n’est….


J’ai le souvenir d’une citation de Frank Sinatra disant que la condition nécessaire de la réussite d’un artiste était de manager sa carrière, tel un business [1] !!! A partir de là, j’ai complétement changé mes lunettes !!

Ce que l’on admet à propos des comédiens, des chanteurs, des stars du showbiz, dérange dès que l’on parle des plasticiens, et il faut le dire aussi des écrivains (plus particulièrement des romanciers et des poètes).


Passe que l’on soit architecte entrepreneur, un métier complexe mêlant création et entreprise (Tiens !). Mais artiste ET entrepreneur ? On a tendance à porter au pinacle l’artiste, comme s’il était un être différent, on continue en 2021 à parler de dons : "on nait artiste".

L’artiste serait un être béni par les Dieux, les Fées ou ses parents bourrés de fric (arguments totalement contradictoires, c’est dire s’ils sont fallacieux !!). L’artiste serait donc celui qui a reçu la grâce, celui qui aurait appris tout seul, ou celui qui serait privilégié par le milieu dans lequel il a grandi. Que nenni !


L’artiste qui a appris tout seul a reçu l’enseignement d’un parfait ignorant.

John Constable(1776-1837) peintre anglais


On apprend en regardant, en recopiant, en s’imprégnant, quelque fois on suit des cours dans une école d’art, un cours du soir, parfois on obtient un diplôme, mais ça ne prouve rien. Parfois on travaille mieux en dehors des circuits d’apprentissages, parfois on en a besoin. Autodidactes ou diplômés, peu importe.


On devient artiste parce qu’on en a la volonté, parce qu’on travaille sa technique, parce qu’on regarde ses pairs et qu’on apprend avec eux.


Non, on ne devient pas artiste simplement parce qu’on le décide, ça ne suffit pas !


Faut-il décider d’être entrepreneur ou artiste pour le devenir ?


Oui c’est un préalable indispensable, on n’est pas entrepreneur par hasard, grâce à un capital génétique ou parce qu’on est dans un milieu « entrepreneur », on n’est pas artiste non plus par un hasard de naissance !


Faut-il apprendre à l’être ?


Savoir être et savoir faire s’enseignent et s’aquiérent. Aucun savoir faire n’est inné, le savoir être se travaille. Si les entrepreneurs n’apprenaient pas les règles de l’art pour entreprendre, ils ne vendraient tout au plus que des cacahuètes à leurs voisins !!


L’art d’entreprendre s’apprend, comme l’art d’être artiste !!!

Image Gerd Altman (voir crédits en fin de post)


Poussons plus loin. L’artiste et l’entrepreneur ont besoin de développer leur créativité. Jusque-là tout le monde est d’accord. Et pour la prise de risque (et la tolérance au risque qui va avec !), la capacité d’adaptation, réajuster sans cesse, l’investissement en temps qui n’est même pas calculable (pour un gain qui peut être faible, ou démultiplié, en tout cas incertain) ? Et l’investissement financier, mettre sur la table certaines sommes alors que rien n’a encore démarré, financer son projet ?


Un démarrage flou, une concurrence effrénée, se perfectionner sans relâche, apprendre sans cesse, penser à son produit jusqu’à l’obsession, comment ça marche, comment on fait, comment on le fabrique, c’est le lot de l’entrepreneur et c’est aussi le lot de l’artiste !


Toutes ces heures parfois non rémunérées en amont du produit fini, de la toile exposée en galerie [2],

du Product Market Fit,

de la vache pourpre !!



Abordons l’aspect strictement financier, censé séparer les artistes, qui comme chacun le sait n’ont pas les pieds sur terre, des entrepreneurs, qui ont les mains dans la matière, le concret…. (ah je provoque, mais ça vaut le coup de réfléchir sur nos clichés, n’est-ce pas ?)


Connais-tu les Young British Artists, un groupe d’artistes britanniques qui a émergé à la fin des années 80, célèbres pour leurs promotions chocs, leur vie sauvage et leurs positions affirmées sur le marché de l’art. L’un des plus médiatisé, Damien Hirst, revendique son statut d’artiste entrepreneur collectionneur d’art. Est-ce la vision de la carrière artistique construite comme le business dont parle Sinatra ? Damien Hirst ne se cache pas d’avoir toujours voulu devenir riche et célèbre.


Le rêve de la plupart des artistes, comme celui de la plupart des entrepreneurs, est d’être reconnu et leader de son marché.


En 2008, Hirst a imaginé une vente aux enchères de 223 nouvelles œuvres qu’il a organisé sans passer par l’étape galerie. Du jamais vu dans le monde de l’art où la vente aux enchères caractérise le 2ème marché, celui de la revente d’œuvre, par rapport au 1er marché qui met en relation collectionneurs et artistes par l’intermédiaire des galeries. La vente chez Sotheby’s a été un succès phénoménal, et la retombée de son geste, faire un pied de nez à son propre galeriste et à l’organisation des marchés de l’art, est encore à mesurer. L’entreprise de Damien Hirst, comme celle de nombreux artistes contemporains, Wim Delvoye par exemple, emploie de nombreux assistants, le volume de production nécessitant une installation d’usine. Tout comme les grands ateliers des peintres de cour, de la Renaissance au XXIIIème l’étaient. Bien que Hirst ait participé physiquement à la réalisation des premières œuvres, il a toujours eu besoin d’assistants. Il a déclaré qu’il n’avait souvent rien à voir avec la production de ses pièces.


Le mythe romantique de l’artiste isolé et génial, devant son chevalet, est une illusion, une construction qui date de la fin du XIXème siècle. Depuis la Renaissance en effet, la plupart des peintres travaillait avec des équipes parfois gigantesques. Les maitres dirigeaient leurs apprentis pour la réalisation de l’œuvre. Certains préparaient les fonds, d’autres peignaient l’œuvre elle-même. Le peintre était un chef d’entreprise. [3] Deux assistants de l’atelier de Hirst ont peint quelques 300 de ses tableaux. Hirst considère que c’est la conception qui fait de lui un artiste et non l'exécution. Il a créé l’idée, elle lui appartient. Un peu normal, non ? Un copyright en bon et du forme. Et pourquoi pas ? Est-ce que cela ne t’évoque rien, toi qui a une entreprise, peut-être des assistants, des salariés, qui œuvrent pour concevoir et créer ton produit ?


Image Ivan Pais (voir crédit en fin de post)



L’artiste, tout comme l’entrepreneur, doit trouver les débouchés pour ses produits, même si, à la différence de l’entrepreneur, il ne les "produit" pas dans ce but (je reviendrais sur la notion du résultat dans un prochain post). Il doit en assurer la promotion. Ahhhh, l’impression d’affiches et de flyer, les publications FB et le réseautage, le book, l’Artist Statement (déclaration d’intentions)…


On appelle ça « se vendre », non ?


Travailler son positionnement dans le marché de l’art revient à définir son Personal Branding. Les artistes aussi doivent savoir pitcher ! L’artiste doit choisir sa structure juridique et s’inscrire à la maison des artistes (l’Urssaf quoi !). Il détermine le prix de ses œuvres, démarche les galeries, fait des concours, cherche des résidences, répond à des appels d’offres, cherche des financements, des mécènes, des producteurs, des partenaires….. Il doit faire des choix, comprendre où il veut aller, organiser son temps, son atelier, préparer les expositions, encaisser les rejets et rebondir (développer son mindset !). Il est moins admis que l’artiste travaille sa stratégie et son marketing, comme si l’acte créateur le dispensait d’en avoir une.


De l’autre côté de l’univers créatif, l’Entrepreneur, s’il se reconnaît créatif (il faut voir la multiplication des formations sur la créativité en entreprise) ose rarement le parallèle avec l’artiste, soit qu’il ne se sente pas concerné, soit qu’il considère ne pas jouer dans la même cour. Les mentors des entrepreneurs sont pourtant des créatifs, Larry Page, Mark Zukerberg.... Quoiqu’on pense de ces personnalités, de leurs positionnements ou de leur éthique, que l’on soit en accord ou non avec les valeurs qu’ils véhiculent, la question intéressante ici est de mettre à jour les liens qui se tissent entre ces deux mondes.


Damien Hirst est étroitement liée au collectionneur Charles Saatchi, homme d’affaire britannique, fondateur d’agence de publicité, également collectionneur, marchand d'art et galeriste britannique. Les artistes sont régulièrement soutenus par des entrepreneurs -mécènes et leurs fondations.

Le monde de l’artiste se compose des nombreux acteurs du marché de l’art. Les collectionneurs autrement dit les clients sont parfois coachés par des art advisors, des conseiller en art, prescripteurs. Les galeristes sont les diffuseurs avec les institutions (musée, centres d’art, Fracs, marché publics) mais aussi les salles des ventes (le 2ème marché). Les curateurs, les commissaires d’exposition, décident des programmations et sont des influenceurs avec les médias, journalistes et critique qui augmentent la visibilité de l’artiste. Les foires et biennales sont les salons professionnels où se rencontrent les acteurs du marché.


Les artistes travaillent ensemble, échangent quand les entrepreneurs font des meetings, des apéro réseaux. Il existe des incubateurs d’artistes depuis l’expérience des "Réalisateurs" à Nantes [4]. Des associations ou centre de documentation qui forment aux exigences du métier d’artiste. En Bourgogne Franche Comté par exemple, Culture Action qui propose des formations, des accompagnements à la création, des rencontres.





Résumons ! Pour être artiste entrepreneur, tout autant que pour être un entrepreneur créatif, il faut développer des compétences précises. Voici une liste non exhaustive à compléter :


Apprendre

Sans cesse, se former, avec ou sans diplôme, la technique, il faut s’y coltiner !

S’entrainer

Comme un sportif de haut niveau.

Discipline, répétition, persévérance, régularité, chaque jour être dans l’atelier !

Investir

Son temps, parfois ses propres deniers, mettre ses tripes sur la table. Une majorité de professionnels du secteur artistique, comme nombre d’entrepreneurs, ont à un moment ou à un autre travaillé gratuitement.

Réajuster

Intégrer l'erreur, changer de direction, de strétégie ou de tactique.

Le processus de création est dynamique.

S’imposer

Faire sa place. Observer la concurence, modéliser.

Artistes et entrepreneurs sont à la recherche de l’idée qui fera la différence.

Trouver des financements

Des investisseurs, des Business Angels, des galeristes, des résidences, des producteurs, des mécènes...

Savoir se vendre

Artistes ou entrepreneurs, c'ets aussi l'individu que l'on représente que l'on propulse pour vendre son produit ou ses créations !

Cultiver le goût du risque

Parce que tôt ou tard il faudra en prendre et choisir d’en assumer les conséquences.

Un entrepreneur, tel l’artiste, sait qu’il faut parfois "bruler le navire", y aller quoi !

Muscler son moral d’acier

Tout se joue au mental ! Avoir un coach, se connaitre, faire du développement personnel, toutes les techniques sont bonnes, être bien entouré et développer cet entourage, se faire aider, déléguer, avoir une équipe, une team !


Finalement, il faut sans doute être un peu

FOU ….

Cramé de la tête quoi !




Alors, es-tu convaincu maintenant ?


l’artiste est un entrepreneur comme les autres

l’entrepreneur est un artiste qui s’ignore


Tous deux, quoiqu’on en dise, quoiqu’on en pense, sont des acteurs économiques incontournables de notre époque. La star, le comédien, le musicien, le chanteur, le groupe de musique, le plasticien créent de la richesse, tout comme l’entrepreneur.


Te reconnais-tu dans ce portrait, en artiste ou en entrepreneur, en artiste entrepreneur ou en entrepreneur artiste ?


Pour finir voici une petite réflexion sur les termes, les postures, les statuts. Il y a peu on désignait par "peintre" l’artiste qui crée une œuvre peinte et par "peintre en bâtiment", celui que l’on nomme aujourd’hui peintre… Est-ce parce que la peinture a pris une certaine ampleur dans le bâtiment ? Aujourd’hui on se nomme donc "artiste peintre"….pour éviter la confusion. Dis-tu de Léonard de Vinci qu'il était artiste peintre ? Ou tout simplement qu'il était peintre? Le terme "artiste peintre" désigne donc ... Si tu as une réponse pertinente, je prends !! Merci à toi


Au plaisir de ta réaction, l’entrepreneur comme l’artiste aime le partage !

En fait quand on y réfléchit, il en a même fait son gagne-pain !!


Prends soin de toi !

myriam


PS Je terminais mes posts de la même façon bien avant que cette allocution devienne une tarte à la crème. Je ne vois pas pourquoi je changerai mes habitudes à cause d’un… d’un… Allez tchô !




Crédit photo (liens non affiliés) Pixabay



Pour aller plus loin


[1] Si tu retrouves la citation de Frank Sinatra en question dans le début de l’article, fais-moi signe !


[2] La vache pourpre est le concept marketing développé par Seth Godin. Il s’agit de devenir la seule vache que l’on remarque dans le champ, celle qui n’a pas la même couleur, dont on continue à parler après l’avoir vu, qu’on n’oublie jamais. Le Graal de l’entrepreneur comme celui de l’artiste. Que tu sois artiste ou entrepreneur, je te conseille le livre de Seth Godin La Vache pourpre.

Le Product Market Fit est l’adéquation du produit au marché, comme un collant bien ajusté sur nos jolies jambes, ou comme la voiture parfaite. Ceci n’est pas une provocation !…. ceci n’est pas une référence à l’œuvre de Magritte "Ceci n’est pas une pipe"….toujours faire attention aux associations d’idées et aux parallèles douteux, ce qu’on dit n’est pas toujours ce qu’on dit



[3] Un très bon livre: Vivre de son art, histoire du statut de l’artiste XVe-XVIe siècle. Collectif sous la direction d’Agnés Graceffa, editions Hermann, 2012.

On y apprend l'évolution du statut des artistes depuis le Moyen Age, les structures qui encadraient leur travail, le corporatisme et l’apprentissage, l’avènement du peintre de chevalet et le rejet des normes académiques… Passionnant !!!


[4] L’émergence récente des incubateurs pour artistes, à la suite de l’expérience mené par Fabrice Hyber, artiste renommé, à Nantes. Entre 2014 et 2016, il a initié l’accompagnements d’une vingtaine d’artistes émergents via une école de management, Audencia à Nantes et l’Ecole des Beaux-Arts de Nantes (ESBANM). Ce programme nommé Les Réalisateurs avait pour but de relier l’art aux entreprises et de créer des synergies entre ces deux univers en créant des séminaires pluridisciplinaires, des partenariats. Depuis quelques incubateurs pour artistes se développent






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