Intègre l'erreur
Image du post Ryan McGuire de Pixabay (voir lien en fin de post)
Les étapes de la série Les clefs création 1-Dévérouiller, 2-Ouvrir ton esprit, 3-Sortir du cadre
Clef création 4 : Intègre l’erreur
Nous tous humains créateurs, sommes confrontés à ce dilemme : il n’y a rien de plus parfait dans notre esprit que l’idée de création, mais cette perfection semble inatteignable. Sur le chemin parfait vers la perfection, il y a les inévitables erreurs, les échecs, et les impasses.
L’erreur et la perfection sont chargés de symboles, une espèce de pelote qu’on n’ose même plus démêler, une équation maudite qu’on ne sait la plupart du temps plus résoudre dans notre monde de performance. Plutôt que de continuer à faire des nœuds, intègre l’erreur dans le processus.
L’erreur fait partie du processus créatif et elle fait partie aussi du résultat.
La nature - la création elle-même - est remplie d’imperfections, d’essais, elle teste en permanence avant d’atteindre la perfection, si elle atteint la perfection ! Les imperfections donnent la dimension de la création, et font son charme et sa beauté.
Oui d'accord, mais tu voudrais que ton œuvre soit parfaite, que ton dessin soit un bon dessin, qu’il soit ressemblant. Tu voudrais que tout ce que tu crées soit beau, accepté, admiré, que ça marche. Tu voudrais être la personne parfaite qui ne fait jamais d’erreur, n’a aucun geste maladroit.
Quels sont les critères d’évaluation ? Qu’est c’est ce qui marche et qu’est qui ne fonctionne pas ?
Ce que l’on pense parfait ne l’est pas complétement. Tout évolue et se perfectionne parce que l’environnement est toujours instable, à différents degrés. Entre Ken et Barbie, Superman, ou le héros badass verdâtre qui éructe, jure et crache, lequel t'attire le plus ? Je serai prête à parier que tu ne t'identifies pas au héros parfait imparfait (Si ! Tu voudrais être Ken ! Ouiaille ! T'es grave quand même, faut que tu le saches !!) . Bon alors, qu’est ce qui manque à Ken pour être parfait ? La parfaite imperfection, pardi !
Le résultat parfait est celui qui intègre l’erreur.
Spongebooooobbbb par Julian Frost (image Julian Frost, voir lien en fin de post)
L’idée est parfaite dans notre esprit, mais sa réalisation concrète, dans le réel, ne l’est pas, heureusement. Et si cette réalisation était parfaite, elle aurait ce quelque chose de mécanique, ennuyeux et prévisible, un peu mort en fait. L’erreur est ce qui te fait apparaître, sous les lignes, ce qui rend vivant tes créations.
Les imperfections sont la trace qui te différencie et font de ton œuvre une chose unique qui ne ressemble qu’à toi. Ken est reproductible, il répond à un cahier des charges précis et sans surprise… qui ne laisse pas droit à l’erreur! Superman s’en tire mieux, il est parfait oui ! mais…. il y a la kryptonite (gnark ! gnark !)
On cherche le geste parfait, le coup de crayon infaillible. Au fond on pense surtout au résultat, qu’on imagine sans aucune faiblesse, impeccable, n’est-ce pas ? Oublie le résultat, reviens plutôt à ton geste et imagine son excellence. Qu’est ce qui pourrait le rendre si incomparable à tes yeux ? On veut un geste à la fois fluide, naturel, et sans effort.
Le geste idéal ressemble au mouvement de l’eau, souple, adapté aux circonstances, il passe au-dessus des obstacles… ou les contourne !!!
Un geste réussi ne se préoccupe pas uniquement du résultat, de ce qu’il a tracé, exécuté, construit. Pour être efficace, il doit éviter non seulement les cassures mais aussi tout ce qui le rend mécanique. Un tel geste s’atteint par une pratique répétée, il habite dans la Zone, et pour le rencontrer il faut trouver son flow, sa fréquence, exactement comme les sportifs atteignent le second souffle, en s’entrainant.
N’empêche, que faire maintenant avec ce geste raté ! Tu recommences, tu recommences, et le mauvais geste ne veut pas partir. Prends donc conscience que c’est le résultat imparfait que tu veux effacer.
La façon dont on regarde les choses les détermine. En se focalisant sur l’aspect positif de l’erreur, elle devient une rétroaction qui permet d’améliorer la pratique. N’importe quelle erreur apprend et fait progresser.
L’échec n’existe pas, ce n’est qu’un feedback, un retour d’info pour nous guider dans la direction que nous avons choisi.
Focalise-toi sur ce que fais naitre ton geste « raté », peut-être ce que ce sera le petit détail qui va tout changer. Chaque geste optimise le parcours vers le résultat parfait souhaité.
Image Steve Buissinne
La création implique de savoir regarder son travail, de tester et de savoir évaluer sa pratique. Les erreurs aident à mettre en place une grille d’évaluation, ce qu’il faut garder, ce dont on doit se débarrasser. Comment mesurer les progrès ? Que cherche tu à obtenir ? Comment évaluer les réussites, les reculs, les impasses ?
Dans ma pratique du dessin, je travaille exclusivement avec des feutres, des marqueurs, des stylos gels, de telle sorte qu’il est impossible d’effacer l’erreur. Pas le choix, je dois composer avec. Ce défi fait partie intégrante de mon travail sur la trace. J’aime ce médium parce qu’il m’oblige à composer avec les dérapages, à donner une place différente aux obstacles justement. Il me libère de cette pression qui transforme l’erreur en punition.
Il faut considérer l’erreur comme un cadeau, aussi désagréable soit-elle. Au fil des dessins, on apprivoise ce qu’il y a d’imparfait dans le geste, on le reconnaît, on en joue. On perfectionne l’imperfection, on la creuse, on compose même parfois à partir d’une erreur. On découvre alors ce qu’on ne soupçonnait pas, dans son propre geste.
Teste une pratique sans gommage. Regarde l’erreur comme une nouvelle donnée, un jeu, un exercice, un entrainement, un perfectionnement. Le geste parfait est accessible à partir du flow, cette expérience optimale dans laquelle tu as une totale confiance dans ta propre maitrise, dans le déroulement des imprévus et ta façon de les gérer. Si tu veux des créations parfaites, vise ce sentiment de contrôle total, sans essayer de contrôler !
Et pour te convaincre, voilà les propos de trois artistes
" A un moment c’est une catastrophe et c’est là que ça commence à devenir intéressant. Il faut surtout oublier le premier mouvement. Il ne faut pas avoir peur de l’échec. Je maintiens que l’échec est un droit et que si on le craint, on ne peut rien faire. Dans l’art, il faut savoir traverser l’échec, c’est toujours après qu’il se produit quelque chose."
Propos de Miquel Barcelo, plasticien, dans L’atelier de Vincent Josse, éditions Flammarion, 2013
" Quand un accident survient, non maitrisé, c’est excitant : allez-vous le garder, vous en servir ? Recommencer ? Trouver une solution ? Ma théorie là-dessus, c’est que le lecteur justement voit la différence. C’est comme au théâtre : quand vous découvrez les décors, ils ne prennent vie que lorsque les acteurs y interprètent quelque chose. Eh bien, le lecteur doit s’emparer d’un livre et être actif dans sa lecture ! Je suis convaincu qu’il le fait plus facilement lorsque des accidents existent que lorsque tout est bien lisse."
Øyvind Torseter écrivain, auteur de bandes dessiné et illustrateur norvégien.
Extrait de l’interview dans le N°14 de la revue Les Arts Dessinés, Avril/Juin 2021
(liens non affiliés)
"La créativité implique de s’autoriser à faire des erreurs. Le talent consiste à savoir lesquels garder."
Scott Adams (né en 1957), dessinateur de bandes dessinées américain et auteur
"Les choses se produisent par accident, cela devient un procédé de savoir quel élément de l'accident je vais préserver."
Francis Bacon (1909-1992), peintre britannique
Image Ryan McGuire
Atteindre le résultat parfait est un perpétuel équilibre, mais ça, c’est la 5ème clé !
Je te souhaite de belles erreurs
Prends soin de toi !
myriam
PS Je terminais mes posts de la même façon bien avant que cette allocution devienne une tarte à la crème. Je ne vois pas pourquoi je changerai mes habitudes à cause d’un… d’un… Allez tchô !
Crédits
Julian Frost, illustrateur, designer et animations, voir la vidéo Drumb Ways to Die, voir son site
Pour revoir les étapes de la série Les clefs de la création
